J'arrivais dans le monde, soucieux de faire lever un sens aux choses, mon âme pleine du désir d'être à l'origine du monde, et voici que je me découvrais objet au milieu d’autres.
Frantz Fanon (extrait de peau noire et masque blanc)
Les afro-descendants les plus visibles parmi les
minorités visibles sont invisibles à l’écran et sur les scènes de théâtre
Je n’ai pas besoin de statistiques pour me rendre
compte que la France à un visage multiple, il me suffit d’arpenter les rues de
la capitale pour être conforté à une France riche de cultures multiples.
Pourtant quand j’allume ma télé, la population est quasi exclusivement
représentée de façon monochrome, c’est la même chose au théâtre ou dans le
cinéma. Assister à une pièce de théâtre, un spectacle ou un film pour un afro-descendant
en France c’est voir son existence niée. Et lorsqu’exceptionnellement il arrive
qu’on confie un rôle à un afro-descendant il s’agit d’incarner un dealer, un
éboueur, un agent de sécurité ou un flic, une servante, une nounou, une aide
soignante ou une pute ; des rôles qui renforcent les stéréotypes racistes
et qui normalisent l’absence de mobilité entre les classes sociales pour les
afro-descendants. Dans Les damnés de la
terre, Frantz Fanon dit: « Le racisme bourgeois occidental à l'égard du
nègre et du "bicot" est un racisme de mépris; c'est un racisme qui
minimise »
Un spectacle raciste pour un état garant d’une
culture raciste
Et voici qu’aujourd’hui on nous propose Exhibit B,
un zoo humain. Les élites « bien pensantes » nous présentent cette «
exposition » comme étant une oeuvre antiraciste, pourtant l’histoire de France
nous enseigne que ces mises en scène de sauvages ces zoo humains ont participé
à construire un inconscient collectif raciste. Mettre des afro-descendants en
cage c’est démontrer la supériorité de « la race blanche » de fait. Le rapport
de domination est dans la matérialisation de la cage dans la chaine au coup.
C’est en construisant cet imaginaire raciste que l’on a pu justifier le pillage
et l’asservissement du continent africain. Un contentieux oppose les Etats qui
ont organisé la traite négrière, qui ont institutionnalisé la colonisation et
qui continuent avec le néocolonialisme ou la coopération à piller un continent
et à asphyxier son développement. A ce jour, aucune tentative de réparation des
préjudices occasionnés par ces crimes n’a été entamé ne serait ce qu’une
réparation morale, historique ou mémoriel. Le contexte aujourd'hui n’est pas
différent d’hier. Et cet acte qui se dit « artistique » s’inscrit dans la
continuité des zoos humains de l’époque et installe dans nos imaginaires des
réflexes racistes .
Thomas Sankara a dit : "Il n’y a pas de société
humaine sans culture et de culture sans correspondance avec une société."
Si le zoo humain Exhibit B c’est de la culture, c’est de la culture en
correspondance avec une société raciste.
Le collectif contre Exhibit B : brutalités
policières en face du théâtre Gérard Philipe à Saint Denis
« L’égalité en France n’est qu’un mot rêvé pour
cacher le racisme. La France est le seul pays où le Noir est autant contrôlé
sans raison par la police plus que les autres races; tout cela à cause de sa
peau. Quelle police de honte ! » [Malcolm X]
Monsieur Brett Bailey, comment pouvez-vous vous
considérer comme un militant antiraciste et accepter que des policiers et des
militaires presque tous blancs brutalisent des manifestants pacifiques presque
tous noirs?
Que connaissez vous de notre histoire et du contexte
français pour venir nous imposer votre vision de l’antiracisme. N’avez-vous pas
honte de jubiler sur votre page Facebook quand des afro-descendants sont gazés
et brutalisés parce qu’ils se lèvent pour défendre leur dignité?
Les afro-descendants font face depuis bien longtemps
à un système, un état où existent un racisme institutionnel et une police dont
certains de ses membres comment des actes négrophobes.
Je concluerai par une dernière citation de Malcom X:
« Je sais que nous allons vaincre, car la marche de
l’histoire l’exige. Ceux qui se sont
cru plus forts que nous, ne furent que des faibles qui ont profité de
notre gentillesse et de notre complaisance; cessons d’être toujours leurs
victimes. Le drame du Noir aujourd’hui, c’est sa naïveté, car il est exploité
socialement mais aussi politiquement par des gens qui se prétendent ses amis,
parlent d’intérêts communs mais s’en moquent. »
William Farreaux
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