lundi 8 décembre 2014

Contribution de William Farreaux: "Sale nègre" ou simplement : "Tiens, un nègre".

J'arrivais dans le monde, soucieux de faire lever un sens aux choses, mon âme pleine du désir d'être à l'origine du monde, et voici que je me découvrais objet au milieu d’autres. 

Frantz Fanon (extrait de  peau noire et masque blanc)


Les afro-descendants les plus visibles parmi les minorités visibles sont invisibles à l’écran et sur les scènes de théâtre

Je n’ai pas besoin de statistiques pour me rendre compte que la France à un visage multiple, il me suffit d’arpenter les rues de la capitale pour être conforté à une France riche de cultures multiples. Pourtant quand j’allume ma télé, la population est quasi exclusivement représentée de façon monochrome, c’est la même chose au théâtre ou dans le cinéma. Assister à une pièce de théâtre, un spectacle ou un film pour un afro-descendant en France c’est voir son existence niée. Et lorsqu’exceptionnellement il arrive qu’on confie un rôle à un afro-descendant il s’agit d’incarner un dealer, un éboueur, un agent de sécurité ou un flic, une servante, une nounou, une aide soignante ou une pute ; des rôles qui renforcent les stéréotypes racistes et qui normalisent l’absence de mobilité entre les classes sociales pour les afro-descendants. Dans Les damnés de la terre, Frantz Fanon dit: « Le racisme bourgeois occidental à l'égard du nègre et du "bicot" est un racisme de mépris; c'est un racisme qui minimise »

Un spectacle raciste pour un état garant d’une culture raciste

Et voici qu’aujourd’hui on nous propose Exhibit B, un zoo humain. Les élites    « bien pensantes » nous présentent cette « exposition » comme étant une oeuvre antiraciste, pourtant l’histoire de France nous enseigne que ces mises en scène de sauvages ces zoo humains ont participé à construire un inconscient collectif raciste. Mettre des afro-descendants en cage c’est démontrer la supériorité de « la race blanche » de fait. Le rapport de domination est dans la matérialisation de la cage dans la chaine au coup. C’est en construisant cet imaginaire raciste que l’on a pu justifier le pillage et l’asservissement du continent africain. Un contentieux oppose les Etats qui ont organisé la traite négrière, qui ont institutionnalisé la colonisation et qui continuent avec le néocolonialisme ou la coopération à piller un continent et à asphyxier son développement. A ce jour, aucune tentative de réparation des préjudices occasionnés par ces crimes n’a été entamé ne serait ce qu’une réparation morale, historique ou mémoriel. Le contexte aujourd'hui n’est pas différent d’hier. Et cet acte qui se dit « artistique » s’inscrit dans la continuité des zoos humains de l’époque et installe dans nos imaginaires des réflexes racistes .
Thomas Sankara a dit : "Il n’y a pas de société humaine sans culture et de culture sans correspondance avec une société." Si le zoo humain Exhibit B c’est de la culture, c’est de la culture en correspondance avec une société raciste.

Le collectif contre Exhibit B : brutalités policières en face du théâtre Gérard Philipe à Saint Denis

« L’égalité en France n’est qu’un mot rêvé pour cacher le racisme. La France est le seul pays où le Noir est autant contrôlé sans raison par la police plus que les autres races; tout cela à cause de sa peau. Quelle police de honte ! » [Malcolm X]

Monsieur Brett Bailey, comment pouvez-vous vous considérer comme un militant antiraciste et accepter que des policiers et des militaires presque tous blancs brutalisent des manifestants pacifiques presque tous noirs?
Que connaissez vous de notre histoire et du contexte français pour venir nous imposer votre vision de l’antiracisme. N’avez-vous pas honte de jubiler sur votre page Facebook quand des afro-descendants sont gazés et brutalisés parce qu’ils se lèvent pour défendre leur dignité?
Les afro-descendants font face depuis bien longtemps à un système, un état où existent un racisme institutionnel et une police dont certains de ses membres comment des actes négrophobes.

Je concluerai par une dernière citation de Malcom X:
« Je sais que nous allons vaincre, car la marche de l’histoire l’exige. Ceux qui se sont  cru plus forts que nous, ne furent que des faibles qui ont profité de notre gentillesse et de notre complaisance; cessons d’être toujours leurs victimes. Le drame du Noir aujourd’hui, c’est sa naïveté, car il est exploité socialement mais aussi politiquement par des gens qui se prétendent ses amis, parlent d’intérêts communs mais s’en moquent. » 


William Farreaux

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